ARMAN MELIES -VERTIGONE-
D’Arman Méliès, on connaissait le folk astral des premiers disques, les miniatures cinématographiques, la poésie surréaliste, et les relectures post-punk du dernier album en date, « AM IV ». A l’évidence, il faudra désormais compter avec lui sur le terrain de l’indie-rock épique et impétueux, avec ce nouvel album sanguin, lyrique et ombrageux, « Vertigone » produit par Pete Prokoviw et Antoine Gaillet.
Cinq. En cinq albums, Arman Méliès s’est construit un patronyme solide dans le monde de la création française. Un nom de musicien, un compositeur réputé voyageur, pour lui ou d’autres (Alain Bashung, Thiéfaine…), capable de glisser d’une pop oblique jusqu’aux contrées électroniques. Un curieux, défricheur, cascadeur même. Sa dernière expérience « AMIV » était synthétique… et le revoilà, avec « Vertigone », amoureux des racines, interprète, taillant dans les guitares ce qu’il avait sondé auparavant dans les claviers. L’homme n’a pas changé, il est fils d’exigence mais il « avait des envies de chanteur, voulait retrouver la magie du guitare-voix sans se cacher derrière la technologie ». Toutes les chansons ont donc été composées à l’ancienne, dans la tradition : avec un rythme, une guitare et une ligne de chant. « Je voulais arrêter de couper les cheveux en quatre. J’ai d’abord commencé en format électrique, la guitare acoustique est venue se greffer après au moment du travail en studio, elle s’est promenée dans les chansons, comme un élément esthétique. Elle a amené aussi bien une tonalité ornementale qu’une sècheresse folk qui était adaptée à la rusticité des compositions. »
Retour aux bases toute ! Donc. Quand le son est proche de l’os, que l’essence blues ronge les guitares et que la voix raconte l’histoire dans un instant d’exultation et de don. La musique, Arman Méliès la veut maintenant comme une vibration pure, une exploration sans filet, une expérience sans prismes, ni filtres, ni masques comme il le dit si bien dans ce morceau phare de « Vertigone » : Tessa. Cette œuvre maîtresse, il l’a ourdie en tournée, pendant qu’il tenait la guitare du groupe de Julien Doré, comme à l’accoutumée. Le soir ou en journée, tous les matins où il était enfermé dans une loge, ses chansons personnelles prenaient forme dans leur coin suivant les bons vieux procédés de la création immédiate. La tournée n’était pas terminée depuis une semaine que l’album avait déjà trouvé son tour définitif, avec des nouveaux musiciens comme partenaires de jeu (Antoine Kerninon à la batterie, Adrien Daoud au sax ténor, Pierre-Louis Basset & Janick Top à la basse) à l’exception d’Antoine Gaillet, complice de la première heure, une nouvelle fois chargé de la réalisation et du mixage de l’album.
Arman Méliès est là. Et si « Vertigone » est certainement son album le plus rugueux, il n’a rien de minimal, au contraire. Peut-être tient-il là son disque le plus foisonnant et le plus extraverti. En studio, les arrangements ont fait leur œuvre pour venir « chatoyer » les rudesses d’origine et le plaisir des enjolures a parfait la pureté de l’intention. Comme chez Arcade Fire, ils caressent l’exaltation d’une douce lueur violette (Les chevaux du vent fou, Constamment je brûle), ils construisent des châteaux de lumière pour accompagner les grandes chevauchées vocales (Fort Everest), renforce d’une odeur d’orage le ciel chargé au dessus du Volcan ou invite au grand saut A deux pas du barrage. L’orchestration, jamais bavarde, y sert la limpidité du chant et la musique naturelle du texte. «Les textes ont leur propre rythme. Ces chansons sont de vrais tandems. Instrumentales, elles ne fonctionneraient pas et sous forme de récits, elles ne marcheraient pas non plus… Ces chansons m’habitent différemment. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Elles ne sont pas des créations abstraites, elles me semblent beaucoup plus intimes, internes. Pour la première fois, je ressens une sensation de fierté, alors que je ne suis pas coutumier du fait. J’ai une envie folle de les jouer sur scène, de les faire vivre. » Rendez vous est pris.